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28 mai 2021Aérer les locaux, c’est le moyen facile et pas cher recommandé par l’OMS pour enrayer la propagation du coronavirus. Mais c’est aussi une bonne manière d’améliorer la qualité de l’air dans les lieux de travail. Un sujet important qui relève des compétences du CPPT.
Avec la pandémie, la nécessité d’une aération régulière et suffisante des locaux a été largement médiatisée. Pour réduire le risque de transmission du virus par aérosol, les entreprises et institutions ont été invitées à veiller au bon entretien des systèmes de ventilation et/ou d’aération et à prêter une attention particulière aux niveaux de concentration CO2 dans leurs espaces, comme l’exige d’ailleurs le code du bien-être au travail.
Mais bien aérer, ce n’est pas seulement utile pour chasser les virus. Plus encore que l’air extérieur, l’air intérieur concentre une série de polluants. Or, nous passons jusqu’à 90% de notre temps à l’intérieur, dans notre habitation, au travail, dans les transports et lieux publics. La mauvaise qualité de l’air intérieur peut avoir des conséquences immédiates sur notre santé, ou à plus long terme. Tout dépend de la nature du polluant, de la dose inhalée et de la vulnérabilité de la personne qui y est exposée…
Des sources multiples
– Il y a d’abord la «pollution humaine»: nous exhalons tous une forte concentration de CO2 et d’humidité et libérons toutes sortes de substances odorantes, mais aussi des poussières, des pollens, des allergènes provenant de nos animaux familiers, et bien sûr des virus ou bactéries lorsque nous sommes malades. En présence d’une mauvaise ventilation, ces micro-organismes dans l’air peuvent contaminer d’autres personnes, causant infections et réactions allergiques.
– Des installations HVAC (chauffage, ventilation et climatisation) mal entretenues peuvent également être mises en cause. Lorsqu’elles sont encrassées ou défaillantes, elles peuvent accumuler de la poussière, des résidus d’huiles et de graisses ou encore des matériaux organiques dans lesquels les micro-organismes se développent et se propagent.
– Dans les locaux neufs ou récemment rénovés, les matériaux de construction, les revêtements muraux et de sol, le mobilier, la décoration, etc. peuvent libérer certaines substances dangereuses, dont les fameux composés organiques volatils (COV), des polluants très courants qui s’évaporent à température ambiante.
– Il peut arriver aussi qu’une mauvaise conception ou pose de l’isolation crée des zones de condensation, donc un développement d’humidité sur les parois et de moisissures dans l’air ambiant. L’isolation des bâtiments doit être pensée et réalisée par des professionnels et dans les règles de l’art. Et elle doit dans tous les cas aller de pair avec une ventilation contrôlée du bâtiment pour éliminer polluants et humidité.
– Les photocopieuses et imprimantes peuvent libérer de l’ozone et des particules fines. Les archives papiers peuvent causer des irritations à cause des poussières ou des moisissures. Moisissures qui se complaisent surtout dans les locaux humides et qui peuvent provoquer la dispersion de substances irritantes ou allergisantes…
– L’exposition à des appareils de combustion ouverts ou des chauffages d’appoint peut aussi être source de pollution, de même que les humidificateurs d’air mal entretenus ou encore, la proximité directe de locaux pour fumeurs mal cloisonnés, par exemple.
– Si un revêtement de sol mal entretenu est source de poussières, le passage (trop) fréquent de l’équipe d’entretien et de ses nombreux produits de nettoyage – surtout lorsqu’ils ne sont pas écologiques – peut également libérer dans l’air ambiant des substances irritantes pour les personnes sensibles.
– Enfin, la qualité de l’air intérieur est aussi bien sûr influencée par l’environnement extérieur direct (trafic routier, émission industrielles, présence de conteneurs à déchets, de systèmes d’évacuation d’air ou de fumées, etc) et de la capacité des dispositifs à fournir un air neuf de qualité suffisante.
Les conséquences sanitaires
Quelles sont les conséquences pour la santé d’une ventilation insuffisante? Les plaintes les plus fréquentes des travailleurs sont les irritations oculaires, nasales et des voies respiratoires. Lorsqu’on est en présence de concentrations élevées en CO2, des maux de tête et de la fatigue sont souvent mentionnés, avec une diminution de l’attention et de la concentration.
A long terme, l’exposition aux pollutions intérieures peut occasionner de graves problèmes de santé, tels qu’une accentuation de l’asthme, des problèmes cardio-vasculaires et des cancers. On sait par exemple que les émissions des moteurs diesel possèdent des propriétés cancérigènes. Une bonne aération est donc absolument indispensable dans les garages ou parkings couverts, y compris dans les bureaux attenants.
Elle l’est également pour tous les travailleurs exposés à certains solvants organiques présents dans les produits de nettoyage, mais aussi dans les peintures et vernis, qui peuvent endommager le système respiratoire, le foie et les reins.
Certes, sur les lieux de travail, l’exposition professionnelle à certaines substances est réglementée par le Code sur le bien-être au travail qui impose le respect de valeurs limites d’exposition. Toutefois, ces valeurs limites sont inadéquates pour une exposition chronique à de faibles doses comme dans le cas d’une exposition environnementale.
Que faire pour prévenir et réduire les pollutions intérieures ?
Même si certains symptômes ou problèmes de pollutions intérieures sont rapportés par des travailleurs, il n’est pas toujours facile d’établir une connexion entre les faits relatés et leur source. D’autant plus que les effets sur la santé vont dépendre non seulement du type de polluant, du niveau et de la durée d’exposition, mais aussi de la sensibilité propre de chaque personne.
Pour défricher cette question, les représentants syndicaux, en particulier ceux qui siègent au CPPT, ont plusieurs pistes d’action:
– S’informer davantage et lister les problèmes potentiels de pollutions intérieures, notamment lors des visites périodiques des lieux de travail.
– S’appuyer sur des plaintes de travailleurs pour débuter une prise en charge plus globale de la problématique via le CPPT.
– Réaliser un travail de fond au sein du CPPT : intégrer les problèmes de pollutions intérieures dans l’analyse des risques et inclure les mesures de prévention et de correction dans le plan global de prévention et le plan annuel d’action.
– S’assurer de l’existence de l’inventaire amiante.
– Profiter de travaux de rénovation dans l’entreprise, ou de la construction d’un nouveau bâtiment, pour établir un cahier des charges visant à prévenir les problèmes de pollution intérieure.
– Interpeller le médecin du travail sur l’analyse des postes de travail en lui demandant, par exemple, un inventaire des produits polluants susceptibles d’être émis.
– Sensibiliser les travailleurs pour les conscientiser aux risques potentiels et aux mesures de prévention à mettre eux-mêmes en œuvre, comme l’aération manuelle quand c’est possible.
– Demander au conseiller en prévention interne d’aller mesurer régulièrement le taux de CO2 lorsqu’on soupçonne un problème. Il est habilité à le faire et un appareil de mesure est un bon investissement (voir ci-dessous).
Quelles questions poser au CPPT?
Une série de questions sur cette thématique peuvent être aussi mises à l’ordre du jour du CPPT par les représentants syndicaux. En voici quelques exemples:
– Les problèmes de pollutions intérieures ont-ils été identifiés et intégrés à l’analyse des risques?
– Y a-t-il des plaintes de travailleurs sur l’ambiance des lieux de travail (trop chaud, trop sec, mal aéré, trop humide…)?
– Les normes de renouvellement d’air sont-elles respectées?
– Des analyses de l’air intérieur ont-elles été réalisées?
– Les produits de nettoyage utilisés sont-ils écologiques?
– Les matériaux de construction, les revêtements de sol et le mobilier ont-ils été choisis de manière à limiter les dégagements de COV? A-t-on utilisé des matériaux de construction, des peintures, des colles écologiques?
– L’isolation n’a-t-elle pas été mal conçue au détriment d’une bonne ventilation?
– La localisation des photocopieurs et imprimantes laser a-t-elle été choisie pour limiter les émissions d’ozone et de particules fines (local séparé)? Le local est-il bien ventilé?
Le taux de CO2, un bon indicateur de la qualité de la ventilation
Une bonne mesure générale de la qualité de l’air intérieur peut être obtenue au travers de la proportion de CO2 présente dans cet air intérieur.
Le dioxyde de carbone (CO2), produit par la respiration humaine, est directement proportionnel au nombre de personnes présentes dans une zone intérieure. L’augmentation du taux de CO2 est globalement proportionnel à l’augmentation de substances odorantes.
A des concentrations normales, le CO2 n’est pas nocif. En milieu extérieur, le niveau naturel de dioxyde de carbone (CO2) oscille autour de 400 ppm (parts par million).
En milieu intérieur, au-delà d’un concentration de 1000 ppm (norme de l’OMS), il provoque une diminution de la concentration, de la somnolence, des maux de tête…
En Belgique, selon le code du bien-être au travail, l’employeur est tenu de prendre les mesures techniques et/ou organisationnelles nécessaires pour veiller à ce que la concentration de CO2 dans les locaux de travail soit généralement inférieure à 900 ppm ou qu’un débit minimal de ventilation de 40 m3/h par personne présente soit respecté.
Durant la crise du coronavirus, dans son avis n° 9616 du 3 février 2021, le Conseil Supérieur de la Santé a recommandé d’augmenter la ventilation et/ou réduire le nombre de personnes présentes dans la pièce dès 800 ppm.
De nombreux experts ont également recommandé l’usage de moniteurs de CO2 munis de «feux de signalisation» qui permettent d’avertir les personnes présentes que la ventilation est insuffisante. Ces moniteurs devraient être utilisés pour mesurer en continu la concentration en CO2 dans les écoles, les lieux de réunion, les bureaux, les salles de restauration, etc.
En savoir plus:
- En vidéo: La qualité de l’air dans l’entreprise, matière syndicale. Et Vers une meilleure qualité de l’air dans les écoles
- Fiche Rise N°13: Pollutions intérieures sur les lieux de travail, mieux comprendre pour mieux réagir. Sur le site de www.rise.be, rubrique Ressources.
Possibilité de prêt de boîtiers pour mesurer la qualité de l’air auprès de la Cellule RISE. Renseignements auprès de RISE. veronique.thirifays@acv-csc.be