La biodiversité, on agit
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15 mai 2022Lorsqu’il est question de changement climatique, on pense souvent aux conséquences à long terme, comme l’élévation du niveau de la mer. Les trombes d’eau qui ont fait des ravages en Wallonie et dans le Limbourg l’été dernier ont démontré qu’il s’agit d’un problème très urgent. Le changement climatique exerce également une pression croissante sur l’emploi dans certains secteurs très consommateurs d’eau, comme par exemple l’industrie alimentaire.
Le Belge est né avec une brique dans le ventre. Cette réalité, ainsi que l’aménagement de plus en plus de routes, allées, trottoirs, parkings, bâtiments,…) est une problématique préoccupante en raison de son caractère irréversible à l’échelle de plusieurs générations et de la perte de fonctions qui en découle. En Wallonie, les terres artificialisées représentent aujourd’hui 10,8% de la superficie wallonne. En Flandre, plus de 14% du territoire est imperméable, soit le double de la moyenne européenne.
Cette appropriation continue des espaces ouverts a des conséquences sérieuses. L’eau qui tombe sur le sol belge tout au long de l’année n’a pas suffisamment la possibilité de s’infiltrer dans le sol et réduit les infiltrations qui permettent la recharge hivernale des masses d’eau souterraine, particulièrement nécessaires dans un contexte de fréquence accrue de sécheresses saisonnières. L’imperméabilisation met également fin au fonctionnement biologique des sols (microflore, faune du sol, flore,…) et également à d’autres fonctions des sols (stockage de carbone, cycle de la biodiversité,…).
Les changements climatiques risquent d’accentuer les impacts
L’été dernier n’a pas été caractérisé par la sécheresse, mais bien par des inondations extrêmes en divers endroits en Europe. Bien que les pluies soient suffisantes si l’on considère l’année entière, nous n’avons aucun contrôle sur le lieu, le moment et l’ampleur de ces précipitations. Le problème est que les sols ne parviennent pas à absorber naturellement l’eau lors des pics de précipitations. Notre gestion de l’eau repose intégralement sur nos égouts et nos rivières, mais ceux-ci ne semblent pas être en mesure de faire face aux eaux de crue, ce qui entraîne des inondations.
Le changement climatique a indéniablement une incidence sur l’intensité et la fréquence de ces fortes précipitations. Les projections relatives à l’évolution du climat – notamment émanant du GIEC- indiquent en effet une multiplication et une intensification des épisodes de sécheresse et des épisodes pluvieux de forte intensité.
En Wallonie, les crues de juillet 2021 ont touché plus de 200 communes et ont provoqué le décès de 39 victimes. Pourtant, en 2003, suite aux inondations à répétition, le gouvernement wallon avait décidé de mettre en place un plan de gestion à l’échelle de la wallonie, le Plan P.L.U.I.E.S
Les grands principes de ce plan sont une approche par bassin versant, une coordination entre les services compétents en matière d’inondation et une cohérence entre les actions.
Cela n’a pas suffi et sous l’impulsion de la Directive Inondation, pour gérer ces inondations et surtout limiter leurs conséquences négatives, la Wallonie a entrepris la réalisation et ensuite la mise à jour de ses Plans de Gestion des Risques et d’Inondation: les PGRI 2022-2027[1]
L’importance (socio-économique) de l’eau
Une bonne gestion de l’eau est particulièrement importante pour les entreprises et les travailleurs. A cet égard, un exemple révélateur est le lien entre le niveau d’eau du Rhin et le prix du ciment dans notre pays. Par le passé, le prix du ciment montait en flèche pendant les périodes de grande sécheresse. En effet, l’approvisionnement en sable (matière première essentielle au ciment) dépend en grande partie de l’approvisionnement par les cours d’eau. Lorsque les niveaux d’eau du fleuve étaient trop faibles, les navires ne pouvaient soudainement plus utiliser que 30 % de leur capacité. Les lois de l’offre et de la demande entraient en action et le coût du transport restait très élevé. C’est ainsi que le prix du sable du Rhin augmentait fortement et que les projets de construction étaient souvent retardés.
Beaucoup d’entreprises ont heureusement déjà entrepris des actions positives pour trouver des solutions à la problématique de l’eau. C’est le cas chez Hesbaye Frost à Geer, une entreprise du groupe Ardo/Crops qui occupe une position dominante sur le marché mondial des légumes, fruits, pâtes et riz surgelés de haute qualité. Ce ne sont pas moins de 110 000 tonnes de produits qui sont récoltés, surgelés et emballés par an. Tous ces légumes sont cultivés sur plus de 8000 hectares de terres avoisinantes puis conditionnés dans cette usine qui occupe environ 340 personnes. Il faut à peu près 7 litres d’eau pour produire un kilo de légumes surgelés. C’est dire l’importance de l’eau dans cette industrie.
Hesbaye Frost a sa propre station d’épuration (avec une capacité de 200 m3/heure qui limite au maximum le rejet des eaux usées dans le Geer, la rivière qui borde l’entreprise. Une partie de ces eaux usées est aussi déversée dans une lagune d’une capacité de 110.000 m3 avant d’être utilisée après décantage pour l’irrigation des terres voisines. Un apport apprécié par les agriculteurs en période de sécheresse…
A noter aussi qu’une autre partie de ces eaux d’irrigation est stockée dans la réserve naturelle du Haut-Geer, un ancien site sucrier situé à deux kilomètres, racheté par Hesbaye Frost pour ses bassins de décantation et qui est devenu aujourd’hui un haut lieu de biodiversité. Il s’agit d’un bon exemple d’utilisation circulaire de l’eau car les eaux usées traitées peuvent être réutilisées.
L’eau en Wallonie
Le permis environnement en Wallonie est obligatoire pour les entreprises et établissements qui comportent des installations et activités ayant un impact potentiel moyen (classe 2) à important (classe 1) sur l’environnement, l’homme et les animaux. Dans le permis environnement, il y a toute une série de renseignements à compléter et notamment sur la prise d’eau (captage, recharge ou essai de recharge artificielle des eaux souterraines, forage et sondage), sur le traitement des eaux (eau potable et eaux usées), sur les rejets directs et indirects de substances dangereuses dans les eaux souterraines. Les entreprises ont donc l’obligation de fournir ces renseignements lors de la demande du permis environnement, et des contrôles sont effectués.
A côté de cela, la fiscalité en matière d’eau constitue un des outils de la politique wallonne concernant l’environnement. Qu’il s’agisse de taxes ou de contributions, ces impositions visent à répondre aux exigences de la directive-cadre sur l’eau 2000/60 du 23 octobre 2000[2] dont l’objectif ultime est d’atteindre un « bon état » écologique et chimique de toutes les eaux communautaires. En l’occurrence, les États membres devaient notamment adopter, pour 2010, une politique de tarification de l’eau qui incite les usagers à utiliser l’eau de façon efficace, en veillant à ce que les secteurs des ménages, de l’industrie et de l’agriculture contribuent de manière appropriée à la récupération des coûts des services liés à l’utilisation de l’eau, compte tenu du principe du pollueur-payeur.
La Région a par ailleurs introduit, en 2005, les notions de « coût-vérité de distribution » (CVD) et de « coût-vérité à l’assainissement » (CVA) de l’eau provenant de la distribution publique. Ces coûts figurent sur la facture de consommation d’eau.
L’eau à l’ordre du jour de la concertation sociale
Il est évident que la question de l’eau touche tous les secteurs et nécessite une attention spécifique accrue. En tant que représentant des travailleurs, vous pouvez également apporter votre pierre à l’édifice.
Voici quelques questions à poser en CE/CPPT :
- Quelle est la consommation en eau pour l’année ?
- Existe-t-il un plan visant à réduire la consommation d’eau ?
- Les fuites d’eau sont-elles immédiatement réparées ?
- L’eau de pluie est-elle collectée et utilisée ? (Par exemple, pour le nettoyage, les chasses d’eau, le nettoyage des locaux de l’entreprise, dans le processus de production)
- Des circuits fermés sont-ils utilisés ? L’eau de traitement est-elle réutilisée ?
- Quelle quantité d’eaux usées sont traitées et rejetées dans le cours d’eau ?
Autrement dit, l’objectif à poursuivre est de réduire notre consommation d’eau, de réutiliser l’eau de manière circulaire dans la mesure du possible, et de participer à la création d’espaces où l’eau peut pénétrer dans le sol.
Votre entreprise envisage d’agrandir ou de rénover ses locaux ou son parking ? N’hésitez pas à souligner que l’aménagement d’un sol perméable (klinkers, graviers, dalles en béton, bois, gazon, etc.) mérite d’être envisagé.
Voyez avec vos collègues quelles sont les petites « victoires » qui peuvent être réalisées pour utiliser moins d’eau (comme l’installation de robinets automatiques dans les toilettes, fontaines d’eau et la sensibilisation générale des collègues à la nécessité de signaler les fuites, par exemple).
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Chaudfontaine : la durabilité en ligne de mire
Le site d’embouteillage de Chaudfontaine est un des sites de production de Coca-Cola Europacific Partners Belgium SRL, une des filiales de Coca-Cola Europacific Partners plc (CCEP). Tous les produits de la marque Chaudfontaine, appartenant à Minute Maid Juices, une société faisant partie du groupe The Coca-Cola Company, y sont produits. Depuis la reprise en 2003, CCEP et The Coca-Cola Company ont investi quelque 147 millions d’euros dans le site de Chaudfontaine et pour la protection des sources d’eau chaude spécifiques à la région. Les vastes mesures visant à préserver les sources ont été récompensées l’année passée par la certification mondiale pour la gestion durable de l’eau de l’AWS (Alliance for Water Stewardship).
Pour la Belgique et le Luxembourg, ce sont plus de 2000 employés qui travaillent pour CCEP répartis sur les différents sites à Anderlecht, Gand, Anvers, Chaufontaine et Howald. A Chaufontaine, il y a 150 travailleurs.
Un site très touché l’été dernier
L’embouteilleur d’eau minérale de Chaudfontaine venait à peine d’annoncer ses plans pour atteindre la neutralité carbone en 2023, qu’il fut durement touché par les inondations de juillet de l’année passée. L’entreprise s’est retrouvée sous eau, et les dégâts étaient considérables.
Dans une interview[3], le directeur du site de Chaufontaine, Achmed Boumrah, revient sur ces événements: « … Nous avons aussi bien vite commencé à réfléchir à une manière de transformer cette situation pénible en une expérience positive. Nous avons conservé nos ambitions et pendant le processus de reconstruction, nous avons toujours gardé la durabilité à l’esprit dans nos choix ».
Il est vrai que depuis ces deux dernières années avec la crise du Covid et les inondations, plusieurs périodes de fermeture se sont succédées, non sans impact sur la production.
Quelques mois à peine après les inondations, le site peut officiellement prendre l’appellation « neutre en carbone », conformément à la norme PAS 2060[4], la référence internationale pour la neutralité climatique. Cela fait des années que l’entreprise multiplie ses efforts de réduction d’émissions de carbone, en utilisant davantage de sources d’énergies renouvelables. « L’électricité que nous achetons provient de sources 100 % renouvelables, mais nous produisons aussi notre propre énergie grâce à nos panneaux solaires ».
La réduction de l’utilisation des combustibles fossiles se fera progressivement. « Nous utilisons moins de machines au gaz ou au diesel dans notre production », explique Achmed Boumrah. « Cela a permis à notre site d’embouteillage de Chaudfontaine de réduire sa consommation d’énergie par litre de produit de 55 % et sa consommation de carburant de plus de 65 % entre 2006 et 2020.
Le site d’embouteillage à Chaudfontaine va continuer sur cette voie de la réduction d’émissions de carbone, comme l’exige la norme PAS 20604. Ainsi, ils vont prochainement remplacer les chariots élévateurs et leurs compresseurs fonctionnant aux combustibles fossiles par des modèles plus durables. Ils veulent en outre limiter les émissions fugitives et aussi analyser les émissions de carbone de leurs fournisseurs, afin de déterminer ensemble comment ils peuvent les réduire. Pour impliquer et informer les travailleurs, les consommations énergétiques sont d’ailleurs présentées à chaque réunion mensuelle du CE national, du CPPT et de la DS locale.
Certification de neutralité climatique
L’embouteilleur d’eau minérale de Chaudfontaine est l’un des premiers sites de CCEP en Europe à obtenir la certification de neutralité climatique. Un des objectifs majeurs de la stratégie de CCEP est de réduire de 30 % les émissions absolues de gaz à effet de serre sur l’ensemble de la chaîne de valeur d’ici 2030 (par rapport à 2019), et d’arriver à la neutralité climatique d’ici 2040.
Cela implique également des efforts en dehors du site, surtout en matière d’emballages. Chaudfontaine est une des premières marques du portefeuille mondial de The Coca‑Cola Company à être passée au plastique 100 % recyclé[5] (rPET) en 2019. Cela permet une économie en carbone de plus de 44 %[6]. Il n’y a donc plus aucun nouveau plastique utilisé dans la production des bouteilles en rPET de Chaudfontaine. Même le film autour des multipacks est en plastique recyclé. Et ils sont 100 % recyclables.
Protéger les sources pour garantir la plus haute qualité d’eau minérale et minimiser la consommation d’eau dans l’usine d’embouteillage sont depuis des années au cœur des préoccupations de Chaudfontaine, qui fait de la durabilité une priorité. C’est ainsi que depuis 2008, pas moins de 1,8 million d’euros ont été investis pour soutenir 590 mesures visant à protéger la zone d’infiltration de 250 hectares et à la préserver de toute pollution. En collaboration avec le gouvernement wallon et l’Université de Liège, toutes les sources possibles de pollution dans la zone d’infiltration de 250 hectares autour du site ont été identifiées et traitées. Toutes les citernes à mazout (552 au total) appartenant à des riverains ont été protégées ou retirées afin que l’eau ne soit pas polluée en cas de fuite.
Tous les cinq ans, l’entreprise de Chaufontaine réalise une nouvelle évaluation de la vulnérabilité des sources d’eau afin d’en déterminer la durabilité et les risques potentiels pour les communautés locales ainsi que l’écosystème. Pour cela, ils travaillent par exemple avec le ‘Contrat Rivière Vesdre’, qui s’occupe de la biodiversité de la rivière Vesdre qui longe Chaudfontaine. Coca‑Cola veut également rendre à la nature 100 % de l’eau qu’elle utilise dans ses boissons d’ici 2025. L’entreprise s’y emploie déjà aujourd’hui en établissant un partenariat entre The Coca‑Cola Foundation, Natuurpunt et Natagora.
[1] Plans de Gestion des Risques d’Inondation – Inondations en Wallonie | Inondations en Wallonie
[2] Directive 2000/60/CEE du 23 octobre 2010 établissant un cadre pour une politique communautaire dans le domaine de l’eau. Ce texte sera désigné dans la suite du rapport par « la directive-cadre ».
[3] https://www.lecho.be/entreprises/alimentation-boisson/le-site-de-chaudfontaine-atteint-la-neutralite-carbone/10378765.html
[4] Certification Lloyd’s Register Quality Assurance conformément à la norme PAS 2060 et Carbon Neutral Declaration validée par Lloyd, à disposition sur demande. La norme PAS 2060 est valable uniquement pour les activités de production de l’embouteilleur d’eau minérale à Chaudfontaine, à savoir les émissions de Scope 1, Scope 2 ainsi que les émissions de Scope 3 liées aux trajets domicile-lieu de travail des collaborateurs. Les marques produites sur le site n’ont pas encore atteint la neutralité carbone.
[5] À l’exception du bouchon et de l’étiquette.
[6] Par rapport à une utilisation de nouveaux plastiques.