Réfugiés climatiques et transition juste
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Vendre des véhicules thermiques ne sera plus autorisé en Europe à partir de 2035. L’Union Européenne vient d’adopter définitivement cette mesure afin de contribuer à atteindre les objectifs climatiques du continent, en particulier la neutralité carbone à l’horizon 2050.
Faire basculer tout le parc automobile vers le 100% électrique en un peu plus d’une décennie représente un fameux défi, avec des conséquences sur l’emploi. Le Shift Project, un centre d’expertise français qui évalue les transformations requises par la décarbonation de l’économie, chiffre à 43% les pertes d’emploi dans la partie aval du secteur (commerce, location, contrôle technique, réparation…) d’ici à 2050. Si le développement des véhicules électriques créera des emplois nouveaux, dans la production des batteries et des infrastructures de recharge par exemple, ceux-ci ne compenseront pas en nombre les emplois perdus dans la filière auto traditionnelle.
Plans de formation
Comment est-ce que cela se vit sur le terrain ? Nous avons posé la question à Corinne Martin, permanente CNE, en charge du secteur des garages et du commerce automobile pour les employé.e.s et cadres francophones. «Nous assistons en effet dans ce secteur à des restructurations et des licenciements collectifs qui s’enchaînent pour des raisons assez évidentes. Outre le basculement vers les véhicules électriques, beaucoup de gens ont aussi changé leur manière de se déplacer: plus de télétravail, le retour en force (surtout à Bruxelles) du vélo comme moyen de transport, sans parler des prix des carburants et des politiques publiques qui dissuadent l’usage de la voiture.
Tout cela impacte les constructeurs et vendeurs automobiles, mais aussi les sociétés de services liées à la voiture, comme les parkings, les entreprises de dépannage ou encore les magasins d’accessoires automobile.
A la CNE, on veut essayer d’anticiper au maximum les conséquences de tous ces changements, sans attendre qu’elles nous tombent dessus. C’est un sujet que nous discutons beaucoup avec nos délégués. Nous avons aussi réalisé avec ACV PULS une enquête auprès des employés qui montre qu’ils sont majoritairement prêts à envisager des reconversions professionnelles avant licenciement, à condition qu’il s’agisse de métiers intéressants avec des conditions salariales similaires. Tout l’enjeu maintenant, c’est d’aller, avec les autres organisations syndicales, interpeller les directions et mettre en place des stratégies et des plans de formation qui aient du sens».
Reconversions en vue
Dans les garages automobiles, la commercialisation des véhicules évolue aussi à cause de la digitalisation. La vente en ligne est encouragée, au détriment de la vente en showroom. A terme, des pertes d’emploi sont inévitables pour des fonctions comme celle de commercial, mais d’autres fonctions vont probablement émerger, plus axées vers la communication digitale ou le conseil à distance.
Pour que personne ne reste au bord de la route, de nombreux dispositifs de formation et d’habilitation devront donc être suivis par les travailleurs de toute la filière automobile. Des reconversions professionnelles seront possibles dans diverses activités nouvelles. On pense bien sûr à tout ce qui est installation et maintenance des bornes de recharge, ou encore au développement de services de voitures partagées. Il y a aussi le Retrofit, cette activité qui consiste à démonter la mécanique d’origine des voitures thermiques, pour y substituer un moteur électrique et des batteries. Les filières de recyclage des batteries sont aussi un pan d’activités appelées à générer de nouveaux emplois. Sans oublier tout ce qui est lié à la digitalisation, à commencer par le développement d’applications dédiées pour ceux qui roulent à l’électrique…
«A nous de construire des argumentaires percutants, des stratégies collectives, et un rapport de force pour que les changements annoncés ne soient pas synonymes de pertes d’emploi, mais bien l’opportunité de reconversions et de nouvelles trajectoires professionnelles» conclut Corinne Martin. Si le changement de notre mobilité est indispensable pour espérer limiter nos émissions de CO2, cette transition ne doit pas être synonyme de pertes d’emplois.