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14 septembre 2021Le racisme structurel est présent partout dans nos structures tout en étant presque systématiquement connecté au domaine du travail.
À l’école, lorsque les enseignant.e.s encouragent Karim à s’orienter vers le professionnel alors qu’ils proposent à Julie de doubler son année, cette proposition impacte très différemment l’avenir des deux élèves. Dans les soins de santé, lorsque le corps médical estime que les Africaines sont de «grandes dramaturges» et que la douleur n’est pas aussi intense que ce qu’elles veulent faire croire, il est urgent de le sensibiliser au caractère raciste de ses propos et plus encore de son jugement. Ce traitement inégalitaire est discriminatoire et entraine des conséquences réelles sur la santé des patient.e.s. Dans les médias, lorsque l’une des rares présentatrices météo ayant une peau de couleur noire éclate en sanglots et livre sur la toile sa colère de recevoir des centaines de messages racistes, il est bel et bien question d’une travailleuse compétente qui fait son job et qui subit des insultes au quotidien.
Comme le montre le rapport annuel d’Unia (Centre interfédéral pour l’égalité des chances), la discrimination est partout et la question de l’emploi est transversale, avec le plus grand nombre de signalements de discrimination raciale dans ce domaine. De facto, les syndicats évoluant avec le monde du travail sont un moteur puissant d’égalité des chances: leur responsabilité dans la lutte contre le racisme est essentielle.
Emploi et racisme structurel
Dans l’emploi, le racisme structurel s’exprime au travers des concepts largement observés et objectivés de l’ethnostratification du marché de l’emploi, du plafond de verre et des portes tournantes.
Le concept de l’ethnostratification du marché de l’emploi illustre que les personnes racisées sont principalement limitées aux postes manuels, éreintants, instables et faiblement rémunérés alors que les Belges non-racisé.e.s auront davantage accès aux postes intellectualisés, confortables, stables et bien rémunérés.
Il y a ainsi une «répartition ethnique» des carrières, des statuts et des salaires. Le taux de chômage particulièrement élevé des jeunes issus de l’immigration, né.e.s en Belgique, diplômé.e.s, voire surdiplômé.e.s, est un phénomène symptomatique d’un racisme structurel: ils et elles sont écarté.e.s presque systématiquement du marché de l’emploi.
Selon deux thèses de doctorat de la KULeuven, la fuite des talents est provoquée par les discriminations à l’embauche des personnes d’origine étrangère, diplômées en master dans des secteurs à haut potentiel d’emploi, qui ne trouvent pas leur place sur le marché du travail en Belgique, mais reçoivent des offres à l’étranger.
Les personnes blanches sont intérimaires jusqu’à 20-25 ans et accèdent ensuite à d’autres opportunités alors que les personnes racisées de plus de 40 ans doivent s’adapter aux offres instables et précaires des contrats d’intérim.
On parle souvent de plafond de verre pour les femmes, alors qu’elles ne sont pas les seules à être limitées professionnellement en raison de préjugés. Les personnes racisées sont souvent considérées comme méritant des postes de subalternes. Vu les nombreux freins rencontrés en entreprise, certains employeurs considèrent l’accès à des formations ou des postes à responsabilité comme «trop ambitieux» pour elles.
Enfin, les groupes discriminés sont souvent affectés par l’effet de «porte tournante»: ils quittent l’entreprise dès qu’ils comprennent que la politique du personnel ne se consacre pas à leurs besoins et exigences spécifiques, notamment en faisant le constat d’un plafond de verre qui ne leur offrira aucune perspective d’évolution au sein de l’entreprise en raison des préjugés.
Il est d’ailleurs intéressant de se questionner sur la prise de conscience (ou non) des employeurs de discriminer sur base de la couleur de peau.
CSC et luttes antiracistes
Le rôle du syndicat consiste à défendre l’ensemble des travailleur.euse.s, indépendamment de leur secteur d’emploi ou de la problématique rencontrée. Ce postulat de base est appliqué depuis la création du syndicat. À l’époque où
la Belgique a signé des accords de recrutement de main d’œuvre étrangère pour l’acheminer dans nos dangereuses mines, la CSC a été le premier syndicat à affilier des Italiens, des Turcs, des Portugais, etc. Malgré le racisme ambiant, l’enjeu était de garder la classe ouvrière forte et soudée, face à un patronat écrasant et sans scrupules, au risque sinon de desservir la cause de tou.te.s les travailleur.euse.s.
Mais a-t-on évolué sur le terrain du racisme structurel, depuis notamment le discours poignant de Martin Luther King? Il est important que l’éducation permanente continue à oeuvrer pour déconstruire brique après brique ce mur de la honte.
Le syndicat lutte contre le racisme au travail en formant ses militant.e.s, ses délégué.e.s et un large public, notamment dans les écoles, en les sensibilisant à ces questions et les conscientisant aux manipulations cachées derrière les discours populistes. Par ailleurs, la cellule Diversité participe à cette mise en exergue, notamment en récoltant les signalements. Ces actes individuels, suffisamment nombreux, pourraient à terme se transformer en victoire collective. Par contre, le manque de preuves ne permet pas de les dénoncer, comme dans la grande majorité des cas, et invisibilise cette problématique.
Avoir des statistiques plus représentatives est nécessaire pour changer les choses en profondeur, et non pas de manière superficielle ou individuelle. C’est pourquoi notre campagne «Balance ta discri» encourage toute personne concernée à rentrer des signalements.
Alimentation et renforcement du système
Le racisme structurel est un système implanté dans notre société depuis plusieurs décennies. Le propre d’un système est de se perpétuer indépendamment de l’intention individuelle de la majorité des citoyen.ne.s, mais certain.e.s ne souhaitent pas voir ce système de privilèges s’écrouler, et résistent aux remises en question, en agitant des discours populistes et en profitant de la peur de l’autre, ancrée dans chaque société. C’est évidemment le lit de l’extrême droite. En Belgique, même si ni à Bruxelles, ni en Wallonie il n’y a de représentant.e politique d’extrême droite suffisamment charismatique et populiste pour manipuler les citoyen.ne.s, en Flandre, le Vlaams Belang séduit de plus en plus l’électorat.
La solidarité, le respect et l’équité sont les valeurs qui constituent la CSC-ACV et qui sont aux antipodes de celles prônées par les partis d’extrême droite. De ce fait, tout.e militant.e actif.ve auprès d’un tel parti (présent.e sur une liste politique ou occupant une fonction publique), est directement exclu.e du syndicat. Pour enrayer le phénomène d’adhésion aux discours d’extrême droite au Nord du pays, nos collègues néerlandophones ont mis sur pied un comité de travail visant la mise en oeuvre d’un plan d’actions concrètes. Nous y collaborons pour améliorer nos approches pédagogiques et de communication, afin de renforcer notre impact et développer l’esprit critique face aux discours clivants, racistes et extrémistes.
La question de l’«étranger», qu’il.elle soit travailleur.euse sans-papiers ou détaché.e, est un épouvantail régulièrement brandi par ceux et celles qui souhaitent maintenir le système de domination. Récupérer les peurs des gens et les exacerber, c’est ce que font les partis d’extrême droite. Présenté.e.s comme l’incarnation de la menace d’une «concurrence déloyale» mise en parallèle avec les nombreuses restructurations et pertes d’emploi, ces travailleur.euse.s sont pourtant les victimes de notre système défaillant qui les exploite et les utilise comme boucs émissaires.
Les discriminations structurelles dont il.elle.s sont victimes sont flagrantes, en termes d’emploi, de santé, de logement, d’accès à de nombreux services publics, etc. L’un des défis majeurs en tant que syndicat est de dénoncer ces manipulations structuro-politiques et d’informer massivement sur les problèmes structurels en matière d’emploi (délocalisation, perte de salaire, etc.). Ces travailleur.euse.s, sans-papiers ou détaché.e.s, ont droit comme tout un chacun à une vie et un travail décents, pour eux.elles et leur famille, sans être mis en concurrence avec le reste de la société.
Selon certaines estimations, il.elle.s seraient plus de 150.000 à travailler en Belgique, à survivre dans l’ombre sans droits et exploité.e.s par des employeurs sans état d’âme. En guise de soutien, la CSC affilie ces travailleur.euse.s de l’ombre et milite pour leur obtenir de vrais droits. Les travailleur.euse.s détaché.e.s sont embourbé.e.s dans un système de sous-traitance à la chaine et de montages opaques: sous-payé.e.s, isolé.e.s par la non-connaissance de la langue et montré.e.s du doigt par les autres travailleur.euse.s comme «des étrangers qui piquent les jobs des Belges». Pour lutter contre ces injustices, le syndicat forme ses délégué.e.s pour qu’il.elle.s puissent les informer sur leurs droits en matière de salaire, de logement, etc.
Une année pour sensibiliser en entreprise
Dans sa lutte contre le racisme, la cellule Diversité mène une campagne de sensibilisation qui a lieu autour de la Journée internationale pour l’élimination de la discrimination raciale (21 mars). Son slogan «Osez réagir!» encourage les témoins de racisme à agir et réagir au lieu de laisser la victime seule face à son agresseur ou face à une injustice. Dans le cadre de la campagne du CIEP «Raciste malgré moi», dont la CSC est partenaire, notre action consiste à contacter plusieurs entreprises wallonnes et bruxelloises avec une délégation syndicale CSC pour les inviter à imaginer une campagne de sensibilisation contre le racisme dans leur entreprise.
Le 21 mars 2022, une caravane passera dans les différentes entreprises engagées pour faire signer aux bancs syndical et patronal une charte de lutte contre le racisme comportant plusieurs engagements concrets. À cette date, les plans d’action imaginés seront récoltés et présentés à la presse régionale. Ensuite, pendant une année, ces délégations développeront concrètement l’action imaginée, avec le soutien du ou de la permanent.e Diversité de sa fédération.
Intéressé.e par ces campagnes? Contactez Malika Bourbouse: diversité@fecasbl.be