Plus de plastique, moins de tri: l’économie circulaire à l’épreuve du Covid-19
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4 juin 2020Nettoyage et désinfection: dans la plupart des milieux de travail, c’est devenu la priorité numéro 1, avec partout des procédures complètement revues pour protéger la santé du personnel, des clients et usagers. Mais cette fièvre ‘virucide’ n’est pas sans danger pour la santé et pour l’environnement. Une réflexion de la cellule FEC/RISE (Réseau intersyndical de sensibilisation à l’environnement).
De l’alcool, du savon, de l’eau de javel et du chlore dilués, des dérivés d’ammoniac,… tous ces produits détruisent le virus du Covid-19, à condition bien sûr de renouveler souvent et partout le nettoyage des surfaces. Mais si on ne nie pas l’importance de lutter contre ce virus, quelles seront les conséquences sur l’environnement de l’usage intensif de tous ces produits d’entretien? Et quel est leur impact sur la santé de ceux qui les utilisent au quotidien (à commencer par le personnel d’entretien) ou de ceux parmi les populations les plus fragiles (enfants,…) qui y sont exposés intensivement?
Pour les environnementalistes, il ne fait guère de doute que l’utilisation massive de ces produits aura des conséquences importantes sur les milieux aquatiques et la biodiversité. Ils risquent notamment de mettre à mal le fonctionnement des stations d’épuration, qui assainissent l’eau grâce, entre autres, à des bactéries et autres micro-organismes qui pourraient être tués par un apport massif de substances biocides. Tôt ou tard, toutes ces substances se retrouveront dans nos eaux de surface et notre eau potable…
Côté santé, les toxicologues mettent en garde contre l’usage inadéquat des produits désinfectants qui contiennent des substances chimiques toxiques très puissantes. Eczéma, asthme, intoxications par inhalation, brûlures cutanées ou oculaires, perturbations endocriniennes,… l’usage et le dosage de désinfectants doivent être bien réfléchis.
Attention aux perturbateurs endocriniens
Pour limiter les effets pervers sur la santé et la planète, les experts conseillent d’éviter les solutions hyper-sophistiquées, à savoir les désinfectants de la énième génération qui tuent également les parasites et les champignons, remplis d’adjuvants et de molécules de synthèse. Ils préconisent une certaine sobriété : panoplie réduite de produits, recours à des nettoyants garantis sans perturbateurs endocriniens, aération régulière des locaux,…
Pour se laver les mains comme pour les surfaces, de l’eau et du simple savon suffisent. Si ce n’est pas possible, l’usage d’un gel hydroalcoolique est conseillé. Mais attention à l’utiliser de façon raisonnée, sous peine d’irritations. Une étude américaine de 2015 aurait par ailleurs démontré que l’utilisation régulière d’un gel hydroalcoolique pourrait être nocive pour la santé, car le désinfectant pour les mains favoriserait l’absorption par la peau du bisphénol A, un perturbateur endocrinien.
Pour rappel, un perturbateur endocrinien (PE) est une substance chimique qui peut interférer avec le système hormonal humain ou animal. L’exposition à des PE peut avoir des effets nocifs sur la santé des personnes et/ou sur leur descendance. Ils sont suspectés d’être à l’origine de nombreux troubles de la santé tant chez l’homme que chez la femme : cancers (sein, testicules, prostate), troubles de la fertilité, obésité, diabète, malformations génitales, diminution du QI, troubles de l’attention, hyperactivité, etc. (1)
Méthodes classiques et nouveautés
Pour lutter contre le virus sans créer de nouveaux problèmes de santé, il existe des alternatives saines pour la santé comme pour l’environnement. Et il est urgent de les indiquer clairement aux professionnel.le.s. du nettoyage et aux entreprises utilisatrices.
En France, l’Institut National pour la Recherche et la Santé a explicitement recommandé aux entreprises de continuer à utiliser leurs produits de nettoyages habituels, compte-tenu du fait que le coronavirus est entouré d’une enveloppe de lipides facilement dégradés par les tensioactifs contenus dans les savons, les dégraissants, les détergents et les détachants. Lorsque c’est possible, l’usage des appareils vapeur est également recommandé car les virus, y compris le COVID-19, seraient aussi très sensibles à la vapeur.
A côté de ces moyens plutôt traditionnels, des techniques particulières de désinfection ont aussi fait leur apparition: c’est le cas de la vaporisation d’un gaz, l’ozone, par exemple dans les rames des TGV ou dans les taxis (en l’absence de passagers) ou encore dans des tunnels de désinfection de caddies de magasins. Mais des questions se posent quant à la toxicité de ce bain de vapeur sur la santé des êtres humains. Des études ont été entreprises sur les doses d’ozone nécessaire pour lutter efficacement contre le COVID-19 sans danger pour les personnes en contact…
Autre technique de désinfection en vogue : les ultraviolets sous formes de lampe à UV, boite à UV, armoire à UV…. Certains ultraviolets ont un effet germicide et dans certaines conditions, ils peuvent désinfecter efficacement. Le monde hospitalier les utilise déjà; c’est le cas aussi du secteur alimentaire (dans des étals boucherie, par exemple). De nouvelles applications sont apparues avec la pandémie : des entreprises proposent par exemple des armoires à vêtements pour éliminer la présence de virus entre deux essayages. Ou encore une boîte pour désinfecter son smartphone tout en le rechargeant. Cette lumière ultra puissante aurait aussi l’avantage de réduire le temps de décontamination. En Chine, on utilise les UV pour désinfecter en cinq minutes une rame de métro, au lieu de 40 minutes à l’ozone… Mais cette technique n’est pas sans danger. En Belgique, le Conseil Supérieur de la Santé pointe particulièrement le risque de dommages pour les yeux, ainsi que des risques de cancer de la peau pour les personnes exposées à ce type de rayonnement.
Ne pas soigner le mal par un autre mal
En résumé, retenons qu’il ne faut commettre l’erreur de soigner le mal par un autre mal et de nettoyer en s’intoxiquant soi, les autres, et l’environnement… La désinfection manuelle à l’aide de détergents classiques est très efficace et doit toujours précéder d’autres techniques aux effets plus incertains, sauf dans des milieux particuliers comme les hôpitaux. Enfin, les gestes barrières classiques (distance, masque, lavage des mains…) sont finalement les moins coûteux, les moins à risques et les plus éprouvés.
Pour plus d’infos, consultez la fiche n°22 «Les perturbateurs endocriniens un danger pour les travailleurs» disponible sur www.rise.be.
Bon à savoir pour aller plus loin
- En Belgique, le Titre 1 du Livre VI du Code sur le bien-être au travail règle la protection de la santé et de la sécurité des travailleurs contre les risques des agents chimiques au travail. Ceci s’applique à tous les produits dangereux. Les perturbateurs endocriniens ne font l’objet d’aucune mention spécifique, de sorte que rien ne les distingue des autres substances chimiques dans la liste des produits dangereux. Signalons toutefois une avancée modeste mais non négligeable: les substances reprotoxiques (les substances nuisibles à la reproduction) sont incluses depuis le 21 juillet 2017 dans la réglementation relative aux agents cancérigènes et mutagènes. De ce fait, il est partiellement possible de mieux protéger les travailleurs contre certains effets des perturbateurs endocriniens. Mais une grande partie de ceux-ci continuent donc d’échapper au contrôle (du point de vue légal).
- Les partenaires sociaux du Conseil supérieur pour la prévention et la protection au travail ont édité un guide générique «Au travail en toute sécurité pendant la crise du Coronavirus» et divers guides sectoriels. A télécharger sur https://emploi.belgique.be/fr/themes/coronavirus/au-travail-en-toute-securite-pendant-la-crise-du-coronavirus-guide-generique
- La CSC a édité une base de données «Produits dangereux» accessible à ses affiliés qui permet de se faire une idée de la dangerosité des produits : à consulter (moyennant connexion) sur https://www.lacsc.be/restricted/militant/csc-nationale/themes/bien-être-au-travail/produits-dangereux