Désinfecter sans s’intoxiquer soi-même, les autres et l’environnement…
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24 juin 2020Avec la 5G, cette nouvelle norme de communication numérique, on nous promet un monde qui ira encore plus vite, avec des données traitées à une vitesse dix à cent fois supérieure à celle de la 4G, et une multiplication équivalente du nombre d’appareils connectés au kilomètre carré. Mais à quel prix? Une réflexion de la cellule FEC/RISE (Réseau intersyndical de sensibilisation à l’environnement).
Après les échanges vocaux (1G) du début des années 80, les SMS (2G) des années 90, les premières navigations internet (3G) du début des années 2000 et l’internet à haut débit d’il y a dix ans (4G), la 5ème génération des technologies de communication mobile se présente comme une véritable technologie de rupture.
Outre la possibilité de surfer à toute vitesse sur le web, cette hyperconnectivité devrait par exemple permettre aux médecins d’opérer à distance, aux véhicules autonomes de se mouvoir sans accidents, aux villes intelligentes (Smart Cities) de gérer davantage leurs flux de mobilité et d’énergie. Sans oublier, bien sûr, l’automatisation et la robotisation des usines et des entreprises, promises à des révolutions majeures!
C’est en Corée du Sud que la 5G s’est propagée le plus rapidement, dès avril 2019. Depuis lors, d’autres villes l’ont adoptée aux USA, en Chine, en Suisse, en Angleterre et en Allemagne, qui sont en la matière les pays européens les plus avancés.
Une recommandation européenne
En 2016, la Commission européenne recommandait pour 2020 l’implantation de la 5G dans au moins une grande ville par pays de l’Union. En Belgique, le gouvernement de la Région bruxelloise avait donné son accord pour le déploiement de cette technologie de haut débit dans la capitale. Mais le cadre légal actuel sur les normes d’exposition aux ondes électromagnétiques ne permet pas l’implantation des nouvelles antennes nécessaires au déploiement de la 5G. Le processus est donc temporairement à l’arrêt.
Toutefois, début avril, l’opérateur de téléphonie mobile Proximus annonçait le déploiement à titre de test de la 5G (ou en tout cas d’une forme « light » de 5G) dans une trentaine de communes belges, surtout en Flandre et un peu en Wallonie. S’en suivirent (surtout côté wallon) une série de réactions courroucées de communes concernées demandant de suspendre ces développements sur leur territoire…
Précision fournie par une représentante CSC Transcom de chez Proximus: «il ne s’agit pas à proprement parler de 5G mais d’une fréquence légèrement supérieure au 4,5G car personne n’a de licence en Belgique pour l’établissement de la 5G ».
En Belgique, les normes d’émission des antennes diffèrent d’une région à l’autre. Mais dans les trois régions, les normes sont beaucoup plus restrictives que celles recommandées par la Commission Internationale de Protection contre les Rayonnements Ionisants (ICNIRP). Plus encore pour Bruxelles, où la norme est 50 fois plus stricte que les recommandations de l’ICNIRP. Avant d’avoir une véritable implantation de la 5G chez nous, il faudra donc une décision du fédéral, et ensuite des gouvernements régionaux, sur l’application des normes. La population aura normalement l’occasion de s’exprimer (voir ci-dessous).
Alors, question santé: la 5G nocive ou pas nocive?
Parce que les caractéristiques techniques de la 5G diffèrent fortement de celles des technologies antérieures, il est légitime de se demander si elle ne va pas faire peser sur les êtres vivants des risques sanitaires supérieurs. D’autant, comme le soulignent ses détracteurs (comme le collectif belge Stop5G), qu’aucune évaluation des impacts sanitaires et environnementaux de la 5G n’a été réalisée. Son déploiement relève pour eux d’une expérimentation à grande échelle sur les êtres vivants.
Que sait-on des effets sur la santé des ondes radioélectriques auxquelles nous sommes actuellement exposés? Ces ondes ont des effets thermiques et des effets non thermiques (biologiques). Les normes d’exposition actuelles ne prennent en compte que les effets thermiques et s’expriment en Volts/mètre pour l’exposition passive et continue (antennes relais, stations de base de téléphone sans fil, systèmes wifi…) et en Watt par kilo (W/kg) qui est la mesure du débit d’absorption spécifique (DAS) pour l’exposition active et à durée variable (GSM).
En quoi consiste cet effet thermique? L’eau contenue dans notre corps absorbe facilement les ondes téléphoniques, ce qui élève la température de nos cellules. Or, de nombreux composants cellulaires, comme les protéines, ont besoin de stabilité pour bien fonctionner. Les réglementations actuelles sont là pour nous protéger en partie de ces effets thermiques.
A côté de cela, des études montrent que ces ondes ont aussi des effets biologiques, y compris à des niveaux d’exposition plus faibles que ceux tolérés aujourd’hui. En 2011, le Centre International de Recherche sur le Cancer, qui dépend de l’OMS, classait les ondes téléphoniques comme «cancérogènes possibles». Il est aussi question d’impacts sur notre système immunitaire, avec pour conséquence des troubles irréversibles pour les cellules nerveuses, hormonales et reproductives, etc.
Quoi qu’il en soit, selon Inter-environnement Bruxelles, l’élaboration d’une nouvelle législation sur les normes de protection par les autorités régionales aurait pour effet, si elle était votée telle quelle, de diviser par 6 la protection des citoyens contre la téléphonie mobile par rapport à la 4G.
La 5G, du point de vue environnemental
Le numérique, s’il évoque pour beaucoup d’entre nous le monde virtuel, est par contre loin d’être immatériel et son impact environnemental est énorme. Pour mettre en œuvre à grande échelle la 5G, l’industrie a dans ses cartons la création de gigantesques infrastructures: box, câbles, réseaux, antennes, data centers, équipements, etc. En milieu urbain, par exemple, on prévoit l’installation d’une antenne 5G tous les 50 à 150 mètres. La 5G impliquera aussi la mise en orbite de plusieurs dizaines de milliers de satellites.
Toute digitalisation aura certainement une conséquence inévitable : la croissance exponentielle de la consommation de minerais (rares), dont l’extraction et les traitements chimiques détruisent des écosystèmes entiers, principalement sur les continents asiatique, africain et latino-américain.
Selon le Programme des Nations Unies pour l’environnement (PNUE), l’extraction mondiale de minerais a triplé depuis les années 1970 pour atteindre 70 milliards de tonnes en 2010. Si nous continuons au rythme actuel, nous devrions atteindre les 180 milliards de tonnes extraits en 2050. Or, l’industrie minière est déjà la deuxième industrie la plus polluante au monde (après le recyclage des batteries au plomb).
À ce bilan écologique désastreux en début de filière, s’ajoute la pollution des sols et des nappes phréatiques générée par les millions de tonnes de déchets électroniques qui aboutissent chaque année dans des centres d’incinération ou des décharges, principalement au Ghana, au Nigeria, en Chine, au Pakistan et en Inde.
Enfin, l’industrie du numérique est vorace en énergie et le sera encore plus demain. Elle contribue déjà aujourd’hui pour 10% aux émissions de CO2 dans le monde. Il faut en effet de l’énergie, beaucoup d’énergie, pour extraire et transformer les minerais, et il en faut aussi pour réaliser toute opération sur le web. A titre d’exemple, au niveau mondial, les 10.000 milliards d’e-mails envoyés par heure (un nombre en constante augmentation) nécessitent la production d’électricité de plus de 15 centrales nucléaires. Combien en faudra-t-il pour faire fonctionner les voitures autonomes ? Ou encore, pour alimenter les halls de stockage des données (les fameux data center) voués à augmenter de façon vertigineuse…
Le low-tech, aux antipodes de la 5G
Avec l’emballement du numérique, se profile donc inévitablement la question de l’aggravation du changement climatique et de la multiplication des désastres écologiques, sociaux et sanitaires dans les régions du monde où sont exploités les minerais.
Une autre question de type sociétal se pose également: cette numérisation et cette omniprésence des technologies électroniques ne renforcent-elles pas notre dépendance envers les sociétés multinationales? Ne faut-il pas, pour retrouver une forme de liberté, revenir à une forme de sobriété?
Aujourd’hui, de plus en plus de voix s’élèvent pour défendre une approche low-tech, c’est-à-dire la mise en avant de technologies soutenables et accessibles à toutes et tous. Le but: repenser en profondeur la conception et la production des objets indispensables à notre existence, afin que ceux-ci soient plus simples, réparables, réutilisables, faciles à démanteler et recyclables en fin de vie, tout en utilisant le moins possible de ressources non renouvelables…
Cette vision pourrait s’inscrire dans le cadre d’une relance verte de notre société mise à mal par la crise sanitaire. Elle pourrait aussi conduire au renforcement de nos capacités de production et à la création de milliers d’emplois durables et utiles. A méditer…
Le droit à la consultation et les NTIC
– Au niveau des citoyens :
En droit wallon, l’accès à l’information en matière d’environnement a été régi par divers textes successifs. Faisant suite au décret du 27 mai 2004, le décret du 16 mars 2006 et son arrêté d’exécution du 13 juillet 2006 ont transposé la Directive 2003/4/CE. Ce décret et l’arrêté d’exécution ont été insérés dans le Livre 1er du Code de l’Environnement, notamment les articles D.10. à D.20.18.
Ces articles visent à :
- Garantir en matière environnementale l’accès à l’information détenue par les autorités publiques ;
- Fixer les conditions dans lesquelles cette information doit être rendue accessible au public ;
- Préciser les modalités d’accès à l’information et les voies de recours possibles ;
- Veiller à ce que les informations environnementales soient d’office rendues progressivement disponibles et diffusées auprès du public.
– Au niveau de l’entreprise :
La convention collective de travail n° 39 du 13 décembre 1983 a pour objet d’organiser une procédure d’information et de concertation sur les conséquences sociales de l’introduction des nouvelles technologies au sein des entreprises comptant au moins 50 travailleurs et prévoit les règles applicables en cas de non – respect de cette procédure.
Pour en savoir plus sur la 5G, quelques lectures:
- «5G : à toute vitesse vers le désastre». Dossier paru dans Imagine n°138, mars & avril 2020.
- «Le climat ou la 5G ? La Belgique à l’heure des choix». Article paru dans Politique, Revue belge d’analyse et de débat, 31 mars 2020.
- «Smartphones : les quatre (gros) soucis de la 5G». Article paru dans En Marche, 6 mai 2020.
- «Le déploiement de la 5G doit être arrêté»: l’appel de 100 étudiants biologistes et médecins. Article paru dans la rubrique Opinions de La Libre Belgique, 6 mai 2020.